Qu’est-ce que le « fiscal cliff » ou « mur budgétaire » ? Est-ce un problème de multiplicateur fiscal ?
Le débat sur le « fiscal cliff » ou « mur budgétaire » marquera très certainement les élections américaines. Héritage des années Bush, ce défi consistant en la fin des exemptions de taxes et exonérations fiscales, combinée aux profondes coupes budgétaires automatiques, devrait prendre effet avant le 1er janvier 2013. A moins que Barack Obama ou Mitt Romney ne tentent un ajustement de dernière minute, pour que la croissance américaine ne pâtisse pas trop fortement d’un tel choc. Une chose est néanmoins sûre, notamment pour les ménages les moins aisés. Ces coupes viendront s’ajouter à d’autres pressions sur le revenu disponible, en particulier l’abrogation clamée par le camp Républicain de l’assurance santé obligatoire, plus connue sous le nom d’ « Obamacare ». Pour quels effets ?
Comme le soulignait récemment le CBO1, le fait de couper graduellement les dépenses et d’augmenter les taxes conduirait lentement, mais sûrement, à une plus grande accumulation de dette pour l’administration américaine. Un problème pour un pays dont la dette dépassait déjà 102% du PIB en Août 2012. Selon le CBO, ce mur budgétaire auquel fait face l’économie américaine, censé faire descendre le déficit fédéral de 5,1% entre 2012 et 2013, se traduirait l’an prochain par une croissance atone en termes réels (c’est-à-dire ajustée avec le taux d’inflation). Celle-ci atteindrait à peine 0,5%. L’affaiblissement de l’économie rendra les revenus moins imposables et augmentera le chômage, d’où moins de rentrées fiscales et plus de dépenses sociales liées au chômage.
Sans ces mesures fiscales drastiques, le CBO2 estime que la croissance pourrait avoisiner les 4,4% l’an prochain, soit quasiment 4 points de différence. Mais entre les deux scénarios, la question est de savoir sur combien de temps serait appliquée la nouvelle politique fiscale au lieu d’être transmise brusquement, et quel est le réel multiplicateur fiscal des foyers américains. Si le multiplicateur fiscal est moins élevé, en d’autres termes, si les foyers américains réduisent moins leur consommation que prévue face à la fin attendue de prestations sociales (revenus indirects), la croissance pourrait être bien plus haute que 0,5%. Pour l’instant, le multiplicateur fiscal utilisé pour les différentes évaluations des effets de la nouvelle politique fiscale va de 0,5 à 2,5. Mais cela cache évidemment différentes réalités, le multiplicateur n’étant pas le même pour les ménages les plus pauvres que pour les ménages moyens ou aisés. Et le multiplicateur fiscal fonctionne différemment à la hausse. Si 1 dollar de revenus en moins de la part de l’Etat réduira effectivement les dépenses des foyers de 50 cents à 2,50 dollars, à l’inverse, 1 dollar de revenus de plus (en conservant donc les exemptions), ne produirait qu’entre 16 cents et 1 dollar de consommation. C’est le fameux effet d’anticipation.
Du côté des effets attendus, l’un des volets les plus importants des réductions fiscales est la fin du Middle Class Tax Relief and Job Creation Act of 2012, qui octroyait une exemption de 2% d’impôts sur le revenu. Sa suppression représenterait à elle-seule 95 milliards de dollars de rentrées fiscales supplémentaires, mais constituerait également le choc le plus important pour les foyers américains. En comparaison, les réductions de dépenses liées au Medicare ne rapporterait « que » 11 milliards de dollars.
1. (en) Congressional Budget Office (CBO), CBO Analyzes Effects of Fiscal Restraint Scheduled Under Current Law, CBO.gov
2. (en) Congressional Budget Office (CBO), Economic Effects of Reducing the Fiscal Restraint That Is Scheduled to Occur in 2013, CBO.gov