L’action Danone est-elle sous-estimée vis-à-vis de ses pairs Unilever et Nestlé ?
Danone a eu pour habitude de donner des guidances trop conservatrices au marché depuis quelques années, ce qui a pénalisé l’action. Le P/E ratio (estimations 2012) de Danone (16.0) est en-dessous de celui de ses concurrents Nestlé (18.1) et Unilever (18.2). Pourtant, lors de ses résultats de premier semestre, Danone a annoncé des résultats en ligne avec les estimations des analystes (Profit EUR 911 Mn, Croissance organique Q2 2012 +5%, Marge opérationnelle -60bps). Cette stabilité reflète deux forces à l’œuvre : affaiblissement des ventes en Europe du Sud et dynamisme du groupe agroalimentaire grâce aux pays émergents & Etats-Unis. Une santé commerciale qui portera ses fruits en bourse prochainement ?
Du côté des points positifs, on notera que Danone est une groupe diversifié tant dans ses positions géographiques que dans ses produits : (i) Produits laitiers, (ii) Eau, (iii) Alimentation pour enfants, (iv) Médical. Sur un point de vue purement financier, les cash flows disponibles ont doublé entre 2007 et 2012. Danone jouit d’ailleurs d’un bilan solide (Dette Nette / EBITDA 1.7x) et ne cache pas ses ambitions en matière d’acquisitions (Yakult ou segment alimentation enfants de Pfizer).
Le groupe n’est pas aussi affecté par la récession qu’on ne veut bien le croire. Concernant sa présence en France (42% de parts de marché), la contagion des pays du Sud semble peu probable. D’abord parce que la situation macroéconomique française est meilleure dans l’ensemble (taux de chômage de 10% vs 25% en Espagne). De plus, le portefeuille de produits Danone en France est différent par rapport à l’Espagne, avec des produits alimentaires pour enfants représentant 39% des ventes. Enfin, facteur extrêmement dans la compétitivité du groupe, la France a déjà connu une révolution des prix en 2009, lesquels ont déjà été ramené à des niveaux bien plus bas qu’en Espagne et proche des marques de distributeurs, principales forces concurrentes à l’œuvre.
Mais Danone ne bénéficie pas uniquement du Vieux Continent, sa diversification géographique est très prononcée, comme en témoignent ses derniers résultats.
Aux Etats-Unis, Danone jouit ainsi d’une excellente position sur les yaourts grecs (Oikos), un marché en pleine explosion (taille du marché multipliée par 25 en 5 ans). La compagnie possède 35% du marché des yaourts grecs, avec des prix pratiqués bien supérieurs aux autres produits laitiers. General Mills, l’un des principaux concurrents (Yoplait), est à la traîne et a d’ailleurs vu ses ventes de produits lights cannibalisées par le yaourt grec.
La Russie (11% des revenus du groupe) représente également une grande opportunité pour Danone, l’acquisition d’Unimilk a été fructueuse. La Russie est un marché aussi important que la France pour le groupe.
Le Maroc est un autre marché stratégique pour Danone. Le groupe détient 29% de la Centrale Laitière depuis 2001, et a décidé d’augmenter sa part à 67%. A terme, le marché d’Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie + Egypte) représentera EUR 1 bn en matière de ventes, et le Maroc deviendra le 7ème marché du groupe, pour une taille équivalente à celle de l’Allemagne.
Quant aux divisons « secondaires », elles ne se portent pas plus mal. La division Alimentation pour enfants est en pleine croissance (8-10%/an) tout en continuant d’innover, et la division Médicale semble avoir un potentiel très important (croissance à 2 chiffres et marges supérieures à 20%).
Du côté des points négatifs, on remarquera que le business du yaourt en Europe semble atteindre un plafond (peu de croissance en termes de vente, pression sur les marges). En outre, l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) pèse toujours sur les géants mondiaux de l’agroalimentaire, en particulier en ce qui concerne leur commercialisation d’alicaments (ex : Actimel, Activia).
Ensuite, certains marchés montrent des signes source d’inquiétudes.
En Espagne (60% de parts de marché, 7% des revenus du groupe dont 78% grâce aux produits laitiers), le marché est source d’inquiétudes pour les comptes de Danone. L’Espagne représente près des deux tiers de la baisse de la marge opérationnelle du groupe (entre 40-50bps). Les marges sur les produits laitiers pratiquées en Espagne sont très importantes (25%) et ne peuvent être justifiées indéfiniment par le groupe, surtout face à la montée en puissance des marques de distributeurs (Mercadona, Carrefour, Aldi, Lidl). Mais Danone a déjà prévu des plans de communication pour soutenir son marché espagnol, cherche à augmenter sa compétitivité en général via l’introduction de produits plus basiques, et réalise des plans d’économies de façon continue et non exceptionnelle.
En Italie, le marché est aussi à la peine, mais à la marge (le pays ne représente que 3% des ventes du groupe).
Enfin, les plans d’austérité et les taux de chômage dans la périphérie de l’Europe pèsent sur les ventes de Danone, dont les prix peuvent être jusqu’à 30-40% plus chers que les marques de distributeurs dans les pays affectés. par la crise. En Espagne, l’une des mesures qui pèsera le plus sur la vente de produits laitiers Danone sera par exemple l’augmentation de la TVA de 8% à 10%.