24 heures dans la vie d’un vendeur de produits structurés

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Raphaël est vendeur de produits structurés dans une banque suisse, depuis 2006. Ses clients sont basés en Europe. Découvrez sa journée en salle des marchés, entre transactions, démarchage de prospects et idées d’investissement.

06h30 : Réveil douloureux. Je suis un gros dormeur pour qui chaque minute de sommeil compte. Je promène mon chien quelques minutes dehors, en me demandant si c’est lui qui a besoin d’être réveillé ou moi.

08h00 : Arrivée au desk. Les retards ne sont pas tolérés, et pour cause, notre chef d’équipe a imposé la brillante idée d’une conférence téléphonique quotidienne à toute l’équipe, éparpillée à travers le pays. J’ai quelques minutes devant moi pour allumer Bloomberg, parcourir mes emails et ouvrir les différentes applications internes à la banque.

08h10 : La conférence démarre, chacun des membres de l’équipe résume la journée de la veille, entre rendez-vous clients, demandes de prix, transactions effectuées, rumeurs, impressions. La conférence prend au minimum une vingtaine de minutes et peut aller jusqu’à une heure si notre chef ressent un besoin profond de parler. Malgré sa longueur, cet appel est tout de même très utile, dans la mesure où l’on comprend où les clients sont en train de se diriger. Les juniors prenant part à l’appel ont toutefois l’air perdus, le jargon financier ne les met pas à l’aise.

08h40 : Notre chef nous souhaite une bonne journée.

08h41 : Je tente d’ingérer les faits économiques marquants, les nouvelles attendues, les gros mouvements sur les marchés boursiers. Tout en triant au plus vite la centaine d’emails arrivée depuis la veille, dont l’immense majorité n’est composée que de confirmations et autres emails automatiques sans intérêt. Quelques mails importants de la part des clients surgissent, de quoi enfin arborer un sourire et attaquer la journée avec excitation.

08h50 : Un premier client appelle. Il me communique les actions qui pourraient l’intéresser pour un prochain produit structuré. Probablement une Barrier Reverse Convertible classique. Mais il faudra attendre le milieu de matinée avant de pouvoir lui communiquer des niveaux fermes, étant donné que les marchés sont encore fermés et que les volatilités ne sont pas à jour dans le pricer.

09h00 – 09h30 : Certaines transactions de la veille n’ont pas encore été enregistrées, ce que je m’empresse de faire en râlant devant la complexité des outils internes. L’équipe du middle office me prévient que certaines transactions n’ont toujours pas pu être réglées avec les banques dépositaires. La faute à des erreurs d’enregistrement imputables à une personne qui serait assise entre ma chaise et mon ordinateur, c’est-à-dire moi. Je règle les problèmes dans lesquels je me suis fourré tout seul.

09h30 – 12h00 : Nous entrons dans les minutes d’or. Ce créneau est particulièrement important pour un vendeur. Il s’agit d’appeler un maximum de clients ou de prospects pour attirer leur intérêt sur de nouveaux produits, comprendre leurs problématiques, organiser des rendez-vous, réserver des déjeuners, envoyer des idées d’investissement. N’importe quel professionnel affirmant être un vendeur dans l’âme se doit d’apprécier ces moments, composés certes d’une grande part de démarchage peu intelligible, mais également de discussions sur les marchés, de blagues et de conversations personnelles avec les clients. Ces derniers sont tout pour la banque, et un vendeur n’appréciant pas être au contact de clients ne peut apprécier son métier.

12h00 – 14h00 : Rendez-vous en centre-ville pour un déjeuner client. On prend plus de temps pour discuter de projets professionnels ou de sujets plus personnels. On apprend à connaître son interlocuteur. Certains clients aiment se relâcher et boire de l’alcool, d’autres demeurent extrêmement formels. Au vendeur de s’adapter.

14h15 : Je pars en rendez-vous chez un prospect. Je lui présente la compagnie, les produits typiques, le flux de mes clients, les éléments qui permettent à mon établissement de sortir du lot, et les éléments qui me permettent de sortir du lot. J’écoute et note scrupuleusement les informations transmises, tout en tentant d’obtenir des requêtes. Le prospect assure être déjà très bien servi et ne voit pas réellement comment m’octroyer une part de son flux. A moi de le séduire et de me faire ma place.

15h00 : Retour au bureau, pour ce qui s’annonce être le second créneau d’appels de la journée. Les clients sont un peu moins réceptifs, fatigués d’être appelés toute la journée et d’avoir à réglé leurs propres problèmes.

15h16 : Notre chef nous implore de battre le budget fixé par son chef, en vendant plus de produits.

15h43 : Un premier ticket tombe. Un client vient de passer un ordre pour un Autocall avec coupon conditionnels, sur le marché US qui vient juste d’ouvrir. Le montant nominal n’est pas énorme, mais ce client a déjà amené d’autres tickets plus importants, je prends donc celui-ci avec plaisir. Le trader a d’ailleurs joué le jeu et a réduit ses shifts sur la barrière et la volatilité.

15h58 : Un client appelle pour se plaindre du marché secondaire de l’un de ses produits, qui semble décoter trop fortement. Le client ne réalise pas que des centaines de positions s’affichent dans mes outils et que je ne connais pas nécessairement par cœur son produit, je lui promets donc de regarder cela aussi vite que possible et de le rappeler.

15h59 : Le trader m’affirme que le produit n’a aucun problème visible. Vega, delta, gamma, les grecques ont l’air d’être corrects. Je ne suis pas plus avancé.

16h03 : Un nouveau gérant de fortune m’envoie pour la première fois une demande de prix indicatifs. Ce n’est pas encore le jackpot, mais les efforts de prospection semblent payer. Je demande au stagiaire de bien vouloir m’aider à calculer les différentes structures.

16h09 : Nous recevons un appel d’offres urgent de la part d’une banque privée pour un produit à capital protégé. La concurrence sera rude, ce qui amputera d’autant le profit potentiel à tirer de la transaction. Beaucoup de temps à perdre pour peu de récompense.

16h11 : Le client mécontent avec son marché secondaire rappelle pour me dire qu’il s’est trompé de code ISIN. Ses produits cotent correctement. La pression redescend avec ce client de premier ordre, ce qui nous vaut quelques rires au téléphone.

16h30 : J’arrête le démarchage téléphonique pour me consacrer aux transactions potentielles qui pourraient tomber avant la fermeture des marchés. Le stagiaire me fournit un prix pour le capital protégé sur lequel nous sommes en compétition. Sa présence est toujours précieuse, j’apprécie sa rigueur et son attention accordée aux détails. Au fil des années, on se rend facilement compte de ceux qui ont une bonne compréhension des exigences en salle des marchés, tandis que d’autres ont un peu plus de peine.

17h17 : Une personne du département légal appelle pour me poser des questions sur une transaction, tandis que la fermeture approche. Pas le bon moment. Les banques sont devenues de plus en plus paranoïaques avec les nouvelles exigences réglementaires, certains collaborateurs n’ont pourtant pas la délicatesse d’approcher les personnes du front office au bon moment.

17h35 : Malheureusement, je n’ai pas réussi à décrocher de nouvelles transactions, et notre prix pour le capital protégé était très loin de celui de la concurrence. Je demande au stagiaire de prévoir du temps ce soir pour une présentation powerpoint, qui servira à un rendez-vous important ayant lieu demain.

17h40 : Notre chef nous souhaite une bonne soirée.

18h39 : J’enregistre les transactions de la journée dans le système et m’attèle à la fameuse présentation, en donnant les instructions au stagiaire. Je m’occupe des parties les plus délicates sur les explications techniques de produits et sur la description de notre banque. Le stagiaire s’occupera plutôt des parties secondaires et du visuel. D’ailleurs, après six mois passés chez nous, il semble bien intégré et très au fait de nos besoins. Les quelques contacts clients qu’il a pu avoir se sont bien passés. Il serait peut être temps d’envisager une embauche pour renforcer nos équipes.

19h00 : Je demande à l’un de mes collègues ce qu’il pense du stagiaire. Il semblerait que les headcounts soient gelés pour les prochains mois, mais la situation pourrait changer au début de l’année prochaine, avec les nouveaux budgets. On en reparlera.

19h45 : Je donne quelques instructions supplémentaires aux stagiaires pour payer les factures des clients et préparer des termsheets. Je leur demande également de préparer un panier, de concert avec l’équipe de structuration, pour jouer la hausse des exportateurs européens. Nous pourrions le vendre sous format tracker. A eux de me faire des propositions au niveau des actions. Je quitte désormais l’équipe pour un verre avec l’un de mes meilleurs clients.

21h45 : L’esprit légèrement embrumé après ce dernier rendez-vous client, je rentre chez moi. Malgré la tension perceptible à certains moments, la journée a été plutôt bonne et plaisante. Demain, les marchés nous amèneront vers de nouvelles aventures.

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Catégories : Emploi | Publiez votre commentaire

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