Travailler en front-office, au sein d’une salle des marchés
Comment fonctionne une salle des marchés ? Travailler en salle n’est pas un exercice de tout repos. Stress, rapidité, pression, montants échangés en millions, le droit à l’erreur n’est pas permis. Pourtant, le fonctionnement d’une salle est relativement difficile à comprendre les premiers mois, et l’est d’autant plus pour une personne issue de l’extérieur. Alors, qui fait quoi dans une salle, en front office ?
Une salle des marchés est avant tout divisée en deux strates : le front-office, et le middle-office. Ces deux strates ne cohabitent d’ailleurs pas toujours physiquement dans la même salle, et ne seront abordés ici que les métiers les plus impliqués dans l’exécution des transactions.
Les métiers du Front-Office
Le Front-office rassemble les personnes ayant un impact décisif et direct sur les transactions. Ce sont celles qui exécutent les trades, ou les accompagnent au plus près.
Le trader. Métier d’une salle de marché par excellence, le trader est chargé d’exécuter les transactions. Par exemple, il est chargé d’acheter des actions au meilleur prix pour le client, ou de couvrir au mieux le risque des produits vendus.
Le trader peut soit agir en compte propre, c’est-à-dire en mobilisant lui-même les capitaux de la banque. On dit qu’il est alors un prop trader. C’est une activité risquée, mais qui peut s’avérer plus lucrative, et plus en adéquation avec les vues du trader ou l’exploitation des déficiences du marché. Dans l’autre cas, il est au service des sales et des clients, et se chargera de gérer le risque des produits vendus. Il est de plus en plus demandé aux traders des banques de limiter les activités en compte propre, notamment à travers une législation restrictive (Volcker rule).
Le trader peut exercer ses talents sur plusieurs types de sous-jacents (actions, crédit, taux d’intérêt, matières premières, dérivés climatiques etc.), et selon différents niveaux de complexité mathématique (vanille ou exotique).
La difficulté du métier de trader est d’être non seulement directement affecté par l’évolution des marchés, mais d’être en plus dépendant de l’activité générée par les sales.
X, Mines, Centrale, Supélec, Ponts, P6, P7 sont autant de formations fréquentes sur les desks de trading.
Le vendeur, ou sales. Le vendeur, généralement issu d’une école de commerce ou d’une formation plus largement commerciale, est, comme son nom et sa formation l’indiquent, charger de vendre les produits de la banque à ses clients, et de conseiller ces derniers. Son rôle est de convaincre ses clients d’investir, au bon moment, dans les bonnes stratégies, en partageant ses vues sur le marché ou en se servant de la recherche à sa disposition. Communiquer facilement, parler plusieurs langues, être à l’écoute, avoir un certain bagout, posséder un sens aigu des affaires, créer un minimum de niveau technique, savoir être agressif ou établir son réseau sont des qualités plus que nécessaires dans le métier de vendeur.
Le vendeur est amené à rencontrer régulièrement ses clients, pour leur pitcher de nouveaux produits ou ne serait-ce que pour maintenir sa relation de confiance avec eux. Les difficultés du métier de vendeur sont nombreuses. Il doit établir son propre portefeuille de clients, ce qui peut donner lieu à des conflits en interne en cas de couverture par d’autres collègues. Il est soumis au prix du trader et n’a qu’une marge de négociation limitée. Il est fortement lié à la conjoncture. En cas de crise sur un marché, son activité peut baisser drastiquement, au point de menacer son poste.
Les évolutions du métier de vendeur se font soit à la verticale (devenir chef d’équipe), soit à l’horizontale (couvrir plus de clients ou plus de pays, passer en asset management, en banque privée, parfois en trading).
HEC, Essec, ESCP sont autant de formations fréquentes sur les desks de vente.
Le structureur, ou ingénieur. Généralement issu d’une école d’ingénieur, le structureur répond aux demandes de prix des sales, et confirme ensuite celui-ci aux traders qui, eux, s’occuperont de la couverture. Son métier est souvent confondu avec celui des quants qui, en règle générale, ont eux aussi reçu une formation d’ingénieur, mais qui s’occupent plutôt des modèles de pricing et de couverture, et moins des trades concrets.
Il peut parfois accompagner le sales dans ses visites clients, afin de renforcer la caution mathématique de la vente.
Il arrive parfois que le trader s’occupe directement du prix avec le sales, et ne passe pas par le structureur.
La difficulté du métier d’ingénieur est d’être soumis à l’impératif de rapidité de la part du sales, d’exactitude de la part du trader, et d’être une zone tampon entre les deux. Il est soumis indirectement aux difficultés du vendeur et du trader, dans la mesure où une absence de transactions ou la mauvaise performance des marchés affecteront son poste.
L’autre facette du métier d’ingénieur est de participer à l’effort d’innovation, en imaginant de nouveaux produits ou de nouvelles méthodes de couverture, afin d’améliorer, à terme, les résultats de la salle.
Le stagiaire. On le retrouve partout, dans tous les corps de métiers. Souvent en appui, l’assistant va en général aider son sales à préparer des demandes de prix ou des présentations, il épaulera le structureur dans la recherche d’idées de produits ainsi que dans la réponse à des quotations, ou aidera son trader à passer des ordres.
Dans le pire des cas, le stagiaire ira chercher des cafés, fera des photocopies, coloriera des powerpoints ou réalisera toutes les tâches laborieuses que son supérieur lui confiera. La difficulté du métier de stagiaire est de découvrir la pression d’une salle et de gagner la confiance de son supérieur à force d’abnégation et de sérieux afin de se voir proposer des tâches plus intéressantes, plus impliquées dans l’exécution. Décrocher un stage en salle des marchés est une passerelle royale vers l’obtention d’un poste en front-office, bien que la compétition soit rude et que le taux de transformation ne soit jamais garanti, ce dernier étant soumis comme tous les autres métiers à la conjoncture.
Le chef de salle. Etre chef d’un simple desk, voire chef de toute une salle, suppose de superviser évidemment les activités des opérateurs, et de donner les grandes impulsions correspondant à la stratégie de la banque (développer en priorité un nouveau produit, renforcer la coopération avec d’autres départements de la banque, rencontrer quelques clients de premier ordre). Les responsabilités sont grandes, les risques aussi. Autre point intéressant : le chef décide des enveloppes ou bonus à attribuer à ses équipes. Au-dessus du chef d’une salle n’existent parfois que quelques strates avant la direction général de la banque.
L’analyste, ou chercheur. Parfois cantonné à un département ségrégué, l’analyste ou chercheur peut être directement rattaché à un desk. Il s’occupe de travaux de recherche plus ou moins quantitatifs, et peut parler directement au client. Dans ce cas, il n’est plus dépendant du wall instauré par les autorités de régulation (les départements de recherche n’ont pas le droit de communiquer à d’autres personnes de la banque la sortie prochaine de leurs analyses par exemple, afin de ne favoriser aucun client en particulier ou de ne pas se rapprocher de l’insider trading). Lorsqu’il est rattaché à un desk, le chercheur parle plutôt en son nom propre. Sa fonction est très appréciée des clients, qui y voient une parole alternative et indépendante, plus facilement joignable.
Le quant. Il est assez rare que le quant soit plongé dans les activités de marchés au jour le jour, sauf s’il se charge de créer des modèles pour de nouveaux produits ou pour des méthodes de couvertures à destination des traders. Il est néanmoins bien associé au front-office, sa fonction étant évidente dans l’innovation des banques. Son rôle est plutôt cérébral et hautement mathématique, d’où une proportion forte de formations d’ingénieurs de très haut niveau.
L’analyste Risques. Les sales ou traders ne peuvent pas pousser tous les produits comme ils le souhaitent, et ne peuvent accumuler des positions qui mettraient en péril l’activité de la banque ou traiter trop de fois avec la même contrepartie. Une crise sur un marché ou la faillite d’un partenaire atteindrait directement les résultats de la banque, ce malgré les systèmes de couverture ou les chambres de compensation. Le département des risques est censé imposer des limites aux traders.