24 heures dans la vie d’un analyste actions

Marc est analyste actions dans une banque américaine. Il officie sur le secteur des télécoms depuis deux ans. Découvrez sa journée, entre lectures, modélisations financières et conférences téléphoniques.

06h00 : J’avale une première tasse de café, tout en consultant mes mails ainsi que les innombrables alertes économiques concernant mon secteur. Une douche, et direction la banque.

07h48 : Les analystes comme moi arrivent progressivement au bureau. L’ambiance est assez studieuse, certains sont plongés dans les journaux spécialisés, d’autres décortiquent les nouvelles sur Internet. Il existe également un poste Bloomberg commun, mais la bataille pour s’en emparer est rude.

08h31 : C’est l’heure du deuxième café. Les dernières nouvelles sont décortiquées tandis que les mails sont épluchés. Il faut désormais répondre aux requêtes des collègues des autres départements ainsi que des clients. Verizon vient d’annoncer l’acquisition d’AOL, un ancien fleuron du secteur technologique ayant maigri comme peau de chagrin à force de mauvaises décisions stratégiques. Tout le monde s’interroge sur les évolutions potentielles des groupes de télécommunication. Certains vendeurs actions ont besoin d’organiser des conférences téléphoniques pour mettre à jour leurs clients et me demandent mes disponibilités.

09h00 : Les marchés ouvrent aux quatre coins du Vieux Continent, la tension monte d’un cran. Clients, vendeurs et traders s’impatientent facilement lorsqu’ils sont à la recherche d’une information précise à vérifier, lorsqu’ils sont bousculés par une rumeur ou lorsqu’ils cherchent à clôturer une transaction, et les analystes sont régulièrement mis sous pression. Le téléphone commence à sonner.

10h00 : Une fois passés l’euphorie de l’ouverture et les premiers mouvements boursiers, les marchés semblent finalement assez calmes. J’en profite pour ouvrir à nouveau l’un de mes fichiers Excel servant à valoriser une nouvelle entreprise, Telecom Corp1. Il s’agit d’une entreprise de taille moyenne, peu d’informations circulent de façon publique. Il va donc falloir s’intéresser à ce que pensent les autres banques, lire leurs rapports, organiser des conférences et/ou des visites au sein de l’entreprise en question, afin de comprendre leur potentiel et rendre mon modèle le plus robuste possible. Pour l’instant, je tente de la valoriser avec une approche par les multiples. Cela m’occupe depuis quelques jours.

10h34 : Le chef du département Recherche demande un rapport sur une petite société télécom cotée aux Etats-Unis. Ce qu’il ignore, c’est que la grande majorité dudit rapport a été réalisée par des juniors et des stagiaires, ce que les seniors ne s’empresseront pas de révéler. Prions pour qu’il n’y ait pas d’erreurs…

10h49 : La semaine prochaine, notre équipe doit participer à une conférence réservée à des investisseurs, sur le thème des nouvelles technologies proposées par les opérateurs de téléphonie mobile. Je travaille avec l’un de mes collègues depuis plusieurs jours sur la présentation que nous tiendrons. Aujourd’hui, nous avons prévu de la passer en revue une dernière fois, avant de l’envoyer au département d’impression. Tout semble bon.

11h38 : Un des vendeurs actions s’approche de moi, casque branché. Il est en pleine conversation avec un client. Il échange quelques questions avec moi sur notre prix objectif, notre dernière révision, le consensus des analystes de la rue, les risques potentiels qui mettraient en péril l’entreprise. Le vendeur repart aussi vite qu’il est arrivé.

11h54 : Je jette un dernier coup d’œil aux nouvelles économiques pour voir si mon secteur a été affecté aujourd’hui, avant de rejoindre un analyste couvrant le secteur des compagnies pharmaceutiques. Nous nous retrouvons dans la salle de repos.

12h12 : Un analyste du secteur énergie nous a également rejoint. Multiples, transactions, résultats financiers, changements de direction, aberrations économiques, rumeurs, ragots, les sujets sont à la fois relâchés et très centrés sur la finance, pour changer… Chacun échange finalement sur ce qu’il a prévu de faire ce week-end.

13h24 : Retour au bureau, après un petit passage près de la machine à café. Il va falloir lutter contre le sommeil et rester concentré, j’ai prévu de passer l’après-midi sur la description du modèle d’affaires de Telecom Corp. Je crois réellement au potentiel de l’entreprise et les premières simulations tendent à me conforter, nous émettrons probablement une recommandation « à l’achat » sur le titre. Il me faut toutefois parcourir le rapport annuel sur les résultats de l’entreprise pour être sûr de bien saisir les nouveaux champs de développement.

14h27 : En allant chercher un document à l’imprimante, j’aperçois l’un des juniors bachoter ses livres pour le diplôme de Chartered Financial Analyst (CFA). Cela ne me rappelle pas forcément de bons souvenirs.

15h13 : Un vendeur m’appelle pour programmer une conférence téléphonique avec l’un de ses clients dans un quart d’heure pour parler d’une société sous mon radar.

15h35 : Le chef du département Recherche nous fait part de son étonnement quant aux taux d’actualisation utilisés dans le rapport que nous lui avons envoyé ce matin. Les cash-flows lui semblent trop importants. Il va falloir revérifier les modèles.

15h39 : Début de la conférence téléphonique. Mon vendeur m’a expliqué qu’il souhaiterait très fortement que son client achète des actions d’une société que j’ai évaluée. Heureusement, je suis plutôt positif sur le titre. Je présente l’entreprise pendant une vingtaine de minutes au client, ses points forts, ses points faibles, sa solidité financière, sa sous-valorisation par rapport aux concurrents. Un analyste doit également être un bon vendeur, même s’il ne doit pas nécessairement s’occuper du côté relationnel. Le client semble assez convaincu mais demande à réfléchir encore quelques jours. Par expérience, je sais qu’il donnera probablement un ordre au vendeur – il cherchait plutôt à être rassuré.

16h50 : Je continue de travailler sur la modélisation financière de Telecom Corp. Après plusieurs années dans le service, je couvre aujourd’hui une vingtaine de valeurs. Certaines sont mises à jour régulièrement, d’autres ne le sont qu’une fois par an. Je ne suis d’ailleurs pas toujours le premier analyste à les couvrir, mais sert régulièrement de support aux analystes plus expérimentés. Ces derniers couvrent généralement les mastodontes du secteur.

17h37 : L’un des stagiaires m’explique quel modèle il a utilisé pour actualiser les cash-flows pour la société qui intéressait notre supérieur. Soulagé, je constate que son modèle ne contient pas d’erreurs.

18h02 : Je parcours Bloomberg pour prendre connaissance des derniers changements de recommandation de la part des analystes d’autres banques, sur les valeurs que je couvre. Il est parfois étonnant de constater à quel point les opinions sont volatiles. Des titres qui étaient majoritairement à l’achat passent subitement en recommandation négative si le marché s’effondre, alors que les fondements de la société n’ont pas changé. Les comportements moutonniers sont légion.

19h12 : J’envoie mes premières modélisations financières sur Telecom Corp à l’analyste senior de notre secteur, pour être sûr de récolter son avis avant publication.

19h34 : Direction la cafétéria. Après 19h00, les dîners sont pris en charge par la banque. Je n’étais pas forcément habitué à dîner si tôt, mais la gratuité fait des miracles. Les banques sont devenues de plus en plus malines pour retenir leur main d’œuvre tard le soir.

19h57 : Notre équipe reçoit une invitation de la part d’une entreprise que nous ne couvrons pas encore. Celle-ci a prévu d’organiser une journée pour les analystes de différentes banques. Très peu capitalisée, méconnue, après discussion nous ne donnerons pas suite à cette invitation.

20h34 : Mon dîner avalé, je me remets sur Telecom Corp, en tentant cette fois-ci de résumer les forces et les faiblesses pouvant servir de catalyseurs au titre. J’invite l’un des stagiaires à m’aider, en récoltant un maximum d’informations sur Internet, dans les rapports de nos concurrents ainsi que sur les terminaux d’information. Ce travail de synthèse ressemble assez à celui que l’on effectue en école de commerce.

22h10 : Direction l’entrée de service. Après 22h00, les retours en taxi sont pris en charge par la banque. Je n’étais pas forcément habitué travailler si tard, mais la gratuité fait décidément des miracles insoupçonnables. Les banques américaines ont pour habitude de récompenser leurs employés, mais ont aussi la réputation de phagocyter leur vie privée. Enfin, on ne peut pas tout avoir en finance !


1. Le nom de l’entreprise a été modifié

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Catégories : Emploi | 1 commentaire

Un commentaire

  1. J’ai beaucoup de respect pour son travail, il est vraiment dévoué à son activité c’est assez impressionnant mais ça doit être très éprouvant de travailler autant toute la semaine…

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