« L’argent qu’on possède est instrument de la liberté ; celui qu’on pourchasse est celui de la servitude »
Si j’avais eu jamais un revenu suffisant pour vivre commodément, je n’aurais point été tenté d’être avare, j’en suis très sûr ; je dépenserais tout mon revenu sans chercher à l’augmenter : mais ma situation précaire me tient en crainte. J’adore la liberté ; j’abhorre la gêne, la peine, l’assujettissement. Tant que dure l’argent que j’ai dans ma bourse, il assure mon indépendance ; il me dispense de m’intriguer pour en trouver d’autre, nécessité que j’eus toujours en horreur ; mais de peur de le voir finir, je le choie. L’argent qu’on possède est l’instrument de la liberté ; celui qu’on pourchasse est celui de la servitude. Voilà pourquoi je serre bien et ne convoite rien.
Jean-Jacques Rousseau, Les Confessions (1782), Livre I